mardi 18 août 2015

De l'intégration

Il est des groupes, des cultures, des pays où il est plus difficile de s’intégrer qu’ailleurs.
Depuis plus de 15 ans, je travaille avec des migrants, des expats, des membres d’ONG, et toujours ce qui caractérise notre grande communauté c’est l’ouverture, l’ouverture à l’autre, à sa différence (culturelle, linguistique), ouverture d’esprit…
Cette notion d’ouverture, est celle qui vous ouvrira bien des portes, avec le sourire et la compréhension, croyez-moi…Vous aurez accès à des trésors insoupçonnés, et des amitiés indéfectibles.
Bien sûr vous ne serez pas exempts de nombreuses tracasseries administratives fastidieuses et illogiques, et le palmarès, dans ce registre, est à mes yeux, très certainement détenu par la Russie et la France, mes deux patries de cœur.
Et justement, la Russie. C’est là que j’ai trouvé des gens formidables, si on ose passer les premiers à priori, car les russes ne sourient pas, ne plaisantent pas et ne sont absolument pas polis, dans le sens français du terme (sans entrer dans la polémique de l’hypocrisie, je pense plutôt ici à l’accueil dans les commerces). La propreté dans la rue, dans les villes est une notion très relative (mais le métro moscovite est quant à lui, un des plus propres et sûrs que je connaisse, et nous en France il faut bien avouer que nous sommes les champions, toutes catégories de la "crotte" de chien sur le trottoir...)…bref ce n’est pas l’eldorado, et ce n'est pas l'enfer non plus.
Mais, me direz-vous, pourquoi aimez-vous la Russie si vous la critiquez tellement ?
Justement, comme le dit l’adage « qui aime bien, châtie bien », ne vous détrompez pas, j’adore la Russie. Mes amis russes sont parmi les plus fidèles, et j’ai toujours été accueillie de manière à faire rougir n’importe quel français sur le concept d’hospitalité !

Ce qui est étrange, c’est que lorsque je suis venue la première fois en Russie, en 2001, il y a 14 ans, je ne parlais pas un mot de russe. Je suis venue, avec « juste » moi-même et mon sourire. Et bizarrement, c’est à cette époque que j’ai lié les liens d’amitié les plus inébranlables. Alors que maintenant que je parle, que je peux interagir, bien ce n’est plus pareil. Comme partout, les mœurs évoluent et à chaque retour en Russie, je note des changements, vestimentaires, comportementaux… j’ai comme l’impression que tout s’uniformise, je trouve les mêmes magasins qu’en France, les jeunes s’habillent de la même façon qu’à Paris (ce qui n’est pas toujours flatteur, vous pouvez me croire)
Ce qui me frappe le plus, c’est la montée de l’individualisme et de l’indifférence.
Alors qu’il y a 15 ans en arrière, je découvrais cette notion extraordinaire, l’entraide dans les difficultés de la vie. Avouez que c’est ironique, nous les français, nous avons le mot « fraternité » dans notre devise, écrit sur tous nos bâtiments publics… et pourtant cette notion est inexistante à mes yeux en France. On vous regardera crever dans l’indifférence la plus totale, sans lever le petit doigt.
En Russie, j’ai vraiment « appris » cette notion, et pas seulement, j'y ai été confrontée dans sa réalité pratique, au quotidien, je l’ai trouvée essentielle, parfois un peu envahissante, mais toujours comme l’occasion de resserrer les liens : on est tous dans le même bateau, alors autant s’entraider.
Cela peut aller de la voisine qui vient sonner chez vous à deux heures du matin et qui vous fait comprendre qu’elle a besoin d’huile, de sucre, de lait (au choix) ou simplement de discuter.
Puis le lendemain viendra vous remercier en venant vous donner de la nourriture « saine » pour votre chat.
Ah oui,j'oubliais de préciser qu’en plus de mon arc, je voyage toujours avec mon chat (qui est une fille), d'ailleurs, elle a toujours eu beaucoup de succès en Russie. Ça peut être un jour ou j’ai fait de la cuisine française et ou j’invite mes voisins. Puis un autre jour où ils vont se mettre à 5 pour réparer une fenêtre ou un évier bouché…
L’année dernière, ce qui m’a frappée à Moscou, c’est le fait que ma belle mère ne disait pas bonjour à ses voisins… Curieuse, j’osais lui demander pourquoi. Elle m’a répondu, que c’était ainsi maintenant, on ne voyait plus personne, on ne se croisait plus… Que c’est triste, et je me retrouve dans la même situation qu’en France, ou chacun préfère rester derrière sa porte en attendant que vous soyez sorti pour ne pas vous croiser…
C’est une perte indéniable en termes de valeur humaine, si je puis dire. La marche inexorable de la globalisation viendrait-elle faire ingérence jusque dans les foyers, dans les valeurs les plus essentielles ?
Aller vers l’autre, oser parler, même en faisant des erreurs, alors on ne peut plus le faire ? Créer des échanges interculturels enrichissants, inoubliables, cela ne deviendrait-il rare en Russie actuellement ?
Il faut croire que oui…
Je n’avais jamais ressenti d’hostilité quand au fait d’être française jusqu’alors, c’était même plutôt le contraire. Les russes me posaient pleins de questions, j’en posais tout autant et à la fin nous devenions amis.
Aujourd’hui, j’ai presque honte de dire ma nationalité.
Est-ce l’effet de la mondialisation, des sanctions contre la Russie, le retour de boomerang sur l’affaire des mistrals ?
Je ne sais pas, peut-être un peu de tout.
Mais les faits sont là, ce n’est plus comme avant. Un peu comme si les russes, ne souhaitent être que entre eux, terminé les conversations amicales interculturelles. Avant, où on m’invitait de bon cœur, je reste maintenant dehors à la porte: " Circulez, y’a rien à voir!"

Je vous donne un exemple concret, sur internet :

J’essaie depuis quelques semaines de faire connaissance avec des russes sur un forum, consacré au thème « elfique », tout ce qui se rapporte à ce sujet, qui me touche énormément et à propos duquel j'ai toujours été très discrète, voir muette, ne trouvant pas d'interlocuteurs qui me prennent au sérieux, ou qui ne jugent pas cela comme une lubie, un dérangement mental.
Le site que j'ai trouvé, un peu au hasard de me pérégrinations nocturnes sur internet,est un vaste forum, qui concentre beaucoup de sujets différents, avec du bon et du moins bon. D'une manière générale, j'y ai tout de même trouvé de nombreux débats sur des questions que je m'étais posées, et malgré la barrière de la langue, j'ai eu grand plaisir à lire ces échanges. Et puis, plus que de simple spectatrice muette, j'ai eu envie , moi aussi de participer avec ces autres, qui semblaient vivre leur vie, comme je vivais la mienne, avec ce qu'on pourrait appeler "un socle commun de références/ valeurs".
Concernant les elfes, je n’avais jamais trouvé réponse à mes questions en France, si ce n’est des sites, douteux, à l’ésotérisme suranné doublé de gourous New Age pas très fréquentables et surtout mercantiles.
Vous trouverez évidemment en première place les jeux de rôles concernant surtout un public adolescent, en quête d’identité , je n'ai rien contre eux, ils sont gentils, mais c'est juste insupportable de lire des messages où tout est écrit en style "SMS" avec un seul mot sur deux correctement orthographié, (ça me donne des envies de meurtre sérieusement ), en conséquence, je suis vite découragée et l'ésotérisme romantique à la "Twilight", non merci, très peu pour moi.
Puis vous pouvez trouver d'autre part, des tolkienistes, qui eux, comme leur nom l’indique, se consacrent uniquement à Tolkien ( intéressant, mais incomplet) et qui bloquent toute allusion à la possibilité d’existence réelle des elfes : « Non, mais, vous êtes une illuminée chère madame! Voyez-vous cela n’existe pas, l’hôpital psychiatrique c’est par-là » c'est en gros ce qu'on m'a dit à l'époque)
Dans la culture russe, le fantastique, la culture païenne, est beaucoup plus présente, ou beaucoup moins oubliée, qu’en France. Il n’est pas du rare de trouver des personnes qui ne se considèrent pas « totalement » humaines et qui mènent par ailleurs, une vie tout à fait normale. Elles travaillent, élèvent leur famille, paient leurs impôts… Aux USA, ce genre de personne se dénomment "otherkin", j'y reviendrai par la suite dans d'autres posts.
J’ai donc été très heureuse de trouver ce forum elfique. Non seulement de nombreux articles ont apporté des réponses à des questions que je me posais depuis très longtemps, mais en plus pour le première fois, je pouvais voir qu’il existait d’autres, comme moi, que je n’étais pas un peu « zin zin » ( on l’est tous un peu sur terre, avouons-le), j’avais des alter ego !
O joie, ô bonheur, euphorie...ma première réaction… Je me suis dit que j’allais me faire des amis, et c’est d’ailleurs ce qu’on m’a souhaité (merci à,celui qui l'a fait)
Oui, mais….
Parfois j'ai l'impression de parler dans le désert, avec comme seule réponse le blanc du silence, .. un peu déprimant et déstabilisant.

Ce n'est que mon opinion bien sûr, mais cela rejoint ce que j'ai ressenti ( sur le plan humain) lors de mon dernier voyage en Russie. Les temps changent, et pas forcément en bien, ce changement , je le sens très triste, très "Moi, Je", très, trop individualiste.
Cette indifférence, en plus de ne pas être constructive, pour ma part, me bloque complètement. Au lieu de ressentir du plaisir à participer,à voir mes efforts porter leurs fruits et établir des liens qui soient au delà du simple ton formel, je n'ose pas écrire spontanément car les rares fois où j'ai essayé, bah je n'ai pas eu grand succès dira-t-on. J'ai bien conscience de ne pas être l'omphalos du monde ( waou t'as vu le mot de ouf que j'ai réussi à placer !!) et qu'il faut du temps pour établir des liens.
Je comprends aussi, que nous venons de pays, de cultures différents, que nos priorités de vies sont différentes, mais justement, à mon sens, cela devrait être un terreau fertile pour les échanges... et c'est tout le contraire...
Je suis mitigée, et j’en ressens de la frustration, bien sûr.  Alors, je continue de lire ce qu'écrivent certains ( surtout "Un" certain utilisateur, le pauvre, il a parlé avec moi juste une fois... et j'ai été médiocre en langue russe, pas du genre à l'avoir marqué avec un style recherché et un Lámatyávë incroyable... tout le contraire. J'ai été releguée aux oubliettes de sa mémoire:  Merde!.. La poisse quoi...)

C’est très dommage tout cela.


Je voulais parler de l'intégration et de la tristesse, de la frustration que l'on peut ressentir lorsqu'on vous ferme la porte au nez, lorsqu'on ne veut pas particulièrement vous intégrer et qu'on vous fait comprendre, à mots couverts, que votre place n'est pas avec les "membres du club" , que malgré vos éventuels talents, votre personalité, que sais-je... rien n'y fera.

Tout cela m’attriste profondément, je ne sais pas si un jour je pourrai trouver des alter ego, qui ne soient ni des fans de mangas, ni des rôlistes, ni des pseudos gourous new-age…

NB: mise à jour au 03/09/2015, j'ai tenté un forum francophone, non pas dédié aux elfes mais à l'ensemble de ce qu'on nomme les otherkins..Quand j'ai constaté que la moyenne d'âge tourne autour de 17 ans et que le style de message c'est "kikoo Lol! Mdr! Je suis un loup garou et un vampire"... j'ai....comment dire?
Eu envie de me pendre.....

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